Shai-Hulud

L’origine

Le nom

Shaid-Hulud, ça vous parle ? Ce vers gigantesque, mystérieux, imaginé par Frank Herbert dans sa série “Dune” m’a accompagné lors de la création de mon alambic, coïncidant avec ma lecture passionnée de cette œuvre. Difficile de décorréler ces deux mondes qui m’ont tenu en haleine des mois durant, alors Shaid-Hulud m’est apparu comme le nom parfait pour cet alambic :

  • Shai-Hulud n’aime pas l’eau, tout comme l’alambic, dont le but est justement de séparer l’eau de l’alcool ;

  • Shai-Hulud transforme une matière commune (le sable) en une essence rare, concentrée et psychotrope ; il en est de même pour l’alambic ;

  • Enfin, Shai-Hulud est un Dieu pour les Fremen et autres peuples d’Arrakis. Nous vénérons notre alambic de la même manière ;

Je ne peux que vous conseiller par ailleurs la lecture de ce chef-d’œuvre.

Historique

Décembre 2023 : notre espace de stockage, bondé de 175 m², atteint la saturation, au point de nous bloquer. L’inventaire révèle un triste constat : beaucoup d’espace est occupé par des bières non commercialisables — défauts organoleptiques, bières qui gush, mais surtout un surplus de production hors DDM mal anticipé en période de COVID. Ces milliers de litres, gardés sans vraie perspective, attendaient une solution, car les jeter me semblait impensable. Ainsi est née l’idée de les distiller pour leur donner une nouvelle vie.

Après quelques recherches, la distillation à façon s’est révélée peu réaliste, tant au niveau financier qu’en termes de résultats attendus. Par ailleurs, dépendre d’une structure extérieure ne me convenait pas. Fin décembre 2023, la décision est prise : construire un alambic. Je n’avais alors aucune expérience en distillation et n’avais même jamais vu d’alambic en fonctionnement.

Deux semaines de vacances, et tout mon mois de janvier, passent en lectures intensives. En février, les plans sont prêts. Prise de contact avec les douaniers de Montauban pour aborder l’acquisition d’un alambic. Tout paraît faisable, et ils me rassurent sur le processus. Je commande alors toutes les pièces nécessaires, pariant sur un retour favorable des douaniers.

Fin mars, les pièces arrivent. Soudure inox, brasure cuivre, câblage électrique : la construction me prend une énorme partie de mon temps libre. Quelques mois plus tard, Shai-Hulud est enfin assemblé. A ce stade-là, je n’ai toujours jamais vu d’alambic tourner, l’entièreté de mes plans sont basés sur la théorie, je ne peux être certain que cette machine sortira de l’alcool fort.

Patience jusqu’au 1er août néanmoins, date à laquelle nous avons l’aval douanier pour lancer la machine.

Le lancement

1er août : les premières gouttes sortent de Shai-Hulud. Énorme soulagement.

S’ensuit alors près de 30 distillations en deux mois. Sur ce temps-là, nous passâmes l’entièreté de nos bières impossible à commercialiser, ainsi que bon nombre de repasses, et 2000L de bières en provenance de la brasserie Le Père l’Amer pour la création d’un Gin à façon.

Beaucoup d’erreurs dues à mon manque d’expérience : Shai-Hulud est le premier alambic sur lequel j’ai distillé. De la patience, des repasses pour ré-équilibrer, enlever les défauts, et à force de persévérance, nos premiers produits sortent.

Son fonctionnement

Shai-Hulud est un alambic équipé d’une cuve 600L inox chauffée à la vapeur et surmontée d’un oignon en cuivre. De là, la vapeur a le choix :

  • Soit par un col de cygne, maintenant davantage d’eau et de composés organoleptiques ;

  • Soit vers une colonne à 11 plateaux pour une purification maximale, augmentant la concentration d’éthanol.

La sortie offre aussi deux options :

  • Directement au condenseur, ou

  • Passage par des paniers à aromates ;

J’ai choisi un condenseur à circuit fermé, alimenté par un groupe froid pour éviter l’utilisation massive d’eau gaspillée en continu, un système courant mais peu écologique.

Shai-Hulud est aussi équipé de 18 capteurs de température, offrant une précision supérieure aux coupes « à l’instinct ». Pour moi, croire que des coupes basées uniquement sur l’odorat ou le goût sont suffisantes pour faire un bel alcool, c’est sous-estimer la science de la distillation.

L’avenir

Aujourd’hui, nous avons déjà sorti trois gins, un pastis, et une première liqueur prête à être embouteillée. Une autre liqueur est en cours de préparation, de même qu’une eau-de-vie de poire.

Mais où allons-nous ? Pour sûr le gin restera un produit au cœur de notre gamme de spiritueux, l’amélioration de nos compétences de distillation va nous amener à sortir des gin nettement plus qualitatifs, on hâte de vous faire goûter ça.

Le pastis, lui aussi, progressera avec notre meilleure compréhension des techniques de distillation, bien que nous soyons déjà plutôt contents de la première version.

Les eaux-de-vie offrent également des possibilités infinies : fruits, céréales, légumes-racines — tout ingrédient riche en amidon pourrait potentiellement devenir un spiritueux. Une eau-de-vie de panais ? De rutabaga ? L’idée nous inspire déjà !

Enfin, en ce qui concerne le whisky — la question que tout le monde nous pose —, c’est une suite logique pour une brasserie qui se lance en distillation. Pourtant, la production de whisky requiert une immobilisation financière importante, les barriques devant vieillir trois ans minimum. Alors oui, le whisky fait partie de nos plans, mais nous ne savons pas encore quand nous débuterons ce nouveau projet.

Cet article a 2 commentaires

  1. Miko

    Merci David pour cet article !! vraiment interessant.
    Encore plus interessant dans le sens où je pensais que c’était un alambic d’usine.
    Bravo pour l’avoir construit !!

    1. David

      Merci beaucoup, ça fait plaisir et donne envie de continuer !

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