Horizontalité

Le concept d’horizontalité

Préambule

En 2011, j’ai fait un stage dans une entreprise que l’État classifie comme de taille moyenne, mais que je percevais plutôt comme une grande structure. Là-bas, le salarié le plus bas dans la hiérarchie pouvait avoir jusqu’à sept niveaux hiérarchiques au-dessus de lui (N+7). Je ne m’en suis jamais vraiment remis et ça a été sans doute le point de départ de mes réflexions sur l’horizontalité en entreprise. Naturellement, à chaque échelon correspond un ajustement de salaire, je vous laisse imaginer le gap.

Je prenais conscience que le système entrepreneurial traditionnel était une énorme source d’injustice. Étant devenu patron, malgré moi, il ne m’était pas possible de me lancer bêtement dans l’aventure, dans la reproduction. Ma pensée était quelque chose comme ça : maintenant on est une communauté, les rapports de force n’amènent que violence, comment fait-on ? On collabore.

Qu’est-ce que j’appelle “horizontalité” ?

L’horizontalité en entreprise, ça serait un mode de vie de basé sur :

  • la confiance et la reconnaissance des compétences de chacun. Cela signifie que chacun est respecté pour sa contribution sans l’intrusion de demandes de rapports humiliants imposées par une hiérarchie, tout en maintenant un partage ouvert des informations essentielles ;

  • l’absence de hiérarchie oppressante et irrationnelle. Même de petits écarts de statuts ou de salaires manquent souvent de justification, et si des ratios de rémunération extrêmes sont souvent dénoncés, un ratio de 1:2 paraît déjà difficile à concevoir rationnellement ;

  • la vision de l’entreprise comme une communauté. Ici, chacun œuvre dans la même direction et veille aux autres, partageant une responsabilité collective et un objectif commun qui va au-delà de la simple rentabilité ;

Concrètement

Les conditions

Iron est une SASU pour laquelle travaille 4 personnes et dont je suis l’unique actionnaire, assimilé salarié. L’entreprise n’est plus mono-employé depuis 2019 et c’est à partir de ce moment-là que le questionnement sur la structure de l’entreprise commence à prendre sens.

La mise en place de la forme de travail horizontale chez Iron a d’abord été intuitive avant de devenir une pensée nécessaire : il était arrivé ce point où, sans mise en place de points d’échanges, personne ne savait vraiment sur quoi bosser l’autre. Et cela a forcément amené des problèmes.

Cette pensée a soulevé que l’horizontalité en entreprise semblait passer par deux conditions :

  • faire confiance aux salariés : si on est persuadé que chaque personne fait de son mieux pour la santé d’Iron, alors aucune forme de flicage n’a de sens, chaque personne gagne en responsabilité sur son domaine et on réduit au maximum la hiérarchie ;

  • la confiance des salariés en l’entreprise : il est nécessaire que chaque salarié pense que Iron les respecte – cela passe par la confiance (pas de flicage), la bienveillance (redistribution de la charge de travail au besoin), la redistribution du surplus (l’entièreté du résultat net est investi pour le bien commun), une redistribution équitable et fondée, une flexibilité relativement maximale (sur les congés, les horaires, le TT, etc) ;

Les limites et difficultés

Je ne suis pas un fervent partisan de la démocratie formelle, mais je pense qu’il ne faut pas considérer l’horizontalité et l’absence de démocratie formelle comme incompatibles. Le respect des individus passe par la reconnaissance des compétences de chacun sur les sujets qu’ils maîtrisent, ce qui n’implique pas que tout le monde doive valider chaque décision. Au contraire, valoriser les compétences devrait permettre d’accroître l’autonomie de chacun tout en limitant les processus décisionnels collectifs lorsque ce n’est pas nécessaire. Cela ne signifie toutefois pas l’absence de consultation ou de prise d’avis.

Je dois également lutter contre des préjugés profondément ancrés concernant la vénalité et l’égoïsme supposés des dirigeants. Toute tentative de changement avant-gardiste se heurte souvent aux idéologies conservatrices.

De l’importance de la confiance

Dans une organisation horizontale, la confiance est la base sur laquelle repose tout le fonctionnement. Elle permet à chacun de se sentir à l’aise pour contribuer et assumer pleinement ses responsabilités, sans crainte de jugement ou de contrôle excessif. La confiance libère également les individus des rapports de force (je reviendrai sur ce point un peu plus bas) et des surveillances inutiles, laissant place à un engagement réciproque et une coopération sincère. La confiance mutuelle est une base à la quiétude. Pas de quiétude, pas de vie agréable.

Redistribution horizontale

La redistribution horizontale est un point complexe qui m’a longtemps fait cogiter. Elle se compose en deux points :

  • la gestion des salaires ;

  • la gestion du résultat net (si positif) ;

Dans une organisation horizontale, l’objectif est de viser une certaine équité plutôt qu’une stricte égalité des salaires. Les différences peuvent être justifiées par des facteurs comme la pénibilité du travail et l’ancienneté, mais elles restent limitées pour garantir une harmonie au sein de l’équipe. Concernant les salaires, leur montant individuel est moins important, car l’intégralité du résultat net est réinvestie pour le bien de l’équipe, soit sur les salaires, soit en améliorant les conditions de travail.

Communication non injonctive

La communication à tendance injonctive, où les ordres sont imposés sans discussion, crée des tensions qui nuisent à la cohésion de l’équipe. Domination et résistance mènent à des relations verticales, où les tensions détruisent la quiétude, l’unité, et la volonté de bienveillance.

Notre contribution

Déjà mentionné ci-dessus, il n’est pas quotidiennement facile à vivre que de créer un schéma d’entreprise relativement moderne, assez éloigné d’un énorme pan social qui ne pense le travail que par la lutte et le syndicalisme et oublie que la paix, par la suppression de la scission patronat / salariat semble être la voie la plus paisible. Néanmoins, pour rien au monde je ne voudrais revenir en arrière sur la structure mis en place dans l’entreprise, les pistes d’améliorations sont au moins aussi grandes que le chemin déjà parcouru mais l’espoir est toujours vif, et l’espérance d’être une forme d’exemple pour les modèles inéquitables donne envie de ne rien lâcher.

Laisser un commentaire